Militaire et auto-entrepreneur : un guide complet pour cumuler les deux statuts
Être militaire et auto-entrepreneur en parallèle est un projet ambitieux qui suscite de nombreuses questions. Le statut de militaire impose des obligations de disponibilité et de neutralité, et la loi encadre strictement le cumul d’activités pour les agents de l’État. Pourtant, des exceptions légales permettent aux militaires de créer une activité d’auto-entrepreneur sous conditions. Dans cet article pédagogique et à jour des dernières réglementations, nous expliquons les possibilités, les limites et les démarches légales pour un militaire qui souhaite développer une activité secondaire en micro-entreprise.
Cadre légal : interdiction générale et exceptions pour activité secondaire
Le statut général des militaires prévoit une règle de base claire : un militaire en service ne peut exercer aucune activité privée lucrative de façon professionnelle. Cette interdiction figure à l’article L.4122-2 du Code de la défense, qui dispose que « les militaires en activité ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit ». Autrement dit, un militaire d’active ne peut pas, en principe, diriger une entreprise ou avoir une activité commerciale régulière en plus de son emploi dans l’armée. Cette contrainte vise à garantir la neutralité et la disponibilité du militaire pour ses missions.
Cependant, des exceptions existent pour certaines activités accessoires compatibles avec le service. Un décret de 2008 a assoupli le régime du cumul d’activités pour les militaires en listant des domaines où une activité secondaire est autorisable, sous réserve d’obtenir une approbation préalable, qui permettrait d’être militaire et auto-entrepreneur. Parmi ces activités autorisées (dites « à titre accessoire »), on retrouve notamment :
- L’enseignement et la formation (cours, formations professionnelles…)
- Les expertises et consultations dans un domaine de compétence (conseil, audit, etc.)
- Les services à la personne (aide à domicile, soutien scolaire, coach sportif…)
- Les activités agricoles sur une exploitation personnelle (sans créer de société commerciale)
- Les activités sportives d’encadrement ou d’entraînement (par exemple, moniteur sportif en club)
- Le conjoint collaborateur au sein de l’entreprise de son/sa partenaire (artisanale, commerciale ou libérale)
- La vente de biens fabriqués personnellement par le militaire (artisanat d’art, produits faits maison…)
Ces activités secondaires (militaire et auto-entrepreneur) sont tolérées à condition qu’elles restent accessoires, c’est-à-dire qu’elles n’entravent pas le fonctionnement du service ni les obligations du militaire (disponibilité, secret, neutralité). En outre, une autorisation écrite de la hiérarchie militaire est indispensable avant de débuter l’activité (nous détaillons la procédure plus loin). À noter que les activités bénévoles (non rémunérées) au profit d’organismes publics ou d’associations caritatives peuvent en revanche être exercées librement, sans autorisation, car elles ne sont pas lucratives.
En pratique, ces exceptions permettent à un militaire d’active d’avoir une activité secondaire limitée, souvent en lien avec ses compétences, et éventuellement sous le régime de l’auto-entreprise. Par exemple, un officier peut donner des cours en école (activité d’enseignement) ou un sous-officier spécialiste en informatique peut devenir consultant indépendant occasionnel. Tant que l’activité entre dans la liste autorisée et qu’elle a reçu le feu vert de l’institution, le cumul d’activités militaire et auto-entrepreneur est possible.

Conditions pour cumuler le statut militaire et auto-entrepreneur
Au-delà des activités accessoires ponctuelles, qu’en est-il de la création d’une véritable micro-entreprise par un militaire encore en poste ? Longtemps, cela était strictement interdit hors des exceptions citées. Mais la loi n°2011-14 du 5 janvier 2011 relative à la reconversion des militaires est venue ouvrir des possibilités de création d’entreprise en fin de carrière. Désormais, sous certaines conditions, un militaire peut créer une auto-entreprise tout en conservant son uniforme.
Voici les principaux critères à remplir :
- Ancienneté : 8 ans de services minimum. Seuls les militaires ayant accompli au moins huit années de service effectif peuvent prétendre cumuler leur emploi avec une création d’entreprise. Cette ancienneté garantit une expérience suffisante et un engagement prolongé dans l’institution.
- Fin de carrière imminente : 2 ans avant la sortie. Le militaire doit se trouver à moins de deux ans de la limite d’âge de son grade (pour les militaires de carrière) ou à deux ans ou moins de la fin de son contrat actuel (pour les engagés ou officiers sous contrat). Autrement dit, seuls ceux qui approchent de la fin de leur parcours militaire peuvent entamer une micro-entreprise en parallèle. Cette mesure vise à faciliter la reconversion professionnelle des militaires en fin de service, en leur permettant d’anticiper leur nouvelle activité.
- Activité envisagée compatible et limitée aux domaines autorisés. Même en fin de carrière, un militaire ne peut pas créer n’importe quel type de micro-entreprise. Les secteurs d’activité restent limités aux prestations intellectuelles ou de services déjà mentionnées (consultant, formateur, service à la personne) ou éventuellement à un rôle de conjoint collaborateur dans l’entreprise de son partenaire. En revanche, il demeure interdit de lancer une entreprise commerciale de grande envergure ou de devenir gérant d’une société classique. L’objectif est que le militaire ne compromette pas ses obligations de service ni l’image de neutralité de l’armée.
- Autorisation préalable de l’autorité militaire compétente. Avant toute création d’auto-entreprise, le militaire doit obtenir un agrément écrit du ministre des Armées (ou du ministre de l’Intérieur pour un gendarme). Cette autorisation formalise l’accord de l’institution pour le cumul d’une activité militaire avec une micro-entreprise.
Il est important de souligner que ces conditions sont cumulatives. Par exemple, un jeune militaire en début de carrière ne pourra pas, en principe, créer sa micro-entreprise en parallèle de son service actif. De même, un militaire sous contrat court ou un réserviste n’est pas éligible à ce dispositif de cumul en fin de carrière (le dispositif vise les carrières longues arrivant à terme). En cas de non-respect de ces règles (par exemple, créer une entreprise sans autorisation), le militaire s’expose à des sanctions disciplinaires et pourrait être contraint de rembourser les revenus indûment perçus du fait de son activité privée non autorisée. La hiérarchie peut à tout moment contrôler la nature de l’activité exercée pour s’assurer qu’elle demeure conforme à la réglementation.
Démarches administratives : demande d’autorisation et agrément
Pour un militaire remplissant les critères ci-dessus et souhaitant se lancer comme auto-entrepreneur, la première étape incontournable pour devenir militaire et auto-entrepreneur est de solliciter une autorisation. Cette demande d’agrément doit être effectuée par écrit et transmettre la voie hiérarchique jusqu’au ministère concerné. Voici la procédure détaillée :
Constitution du dossier de demande d’agrément
Pour devenir militaire et auto-entrepreneur, le militaire doit adresser une demande écrite à sa hiérarchie (commandement) en précisant qu’il souhaite créer une micro-entreprise en cumul d’activité. Cette demande doit être transmise suffisamment tôt, idéalement au moins 2 mois avant la date prévue de création de l’auto-entreprise. Le contenu de la demande est très important pour emporter l’adhésion de la commission d’examen. Il est recommandé d’y détailler :
- La nature précise de l’activité envisagée (ex : conseil en sécurité informatique, cours de sport à domicile…)
- La forme juridique choisie pour l’entreprise (dans ce cas, le régime micro-entreprise auto-entrepreneur)
- Les moyens financiers et matériels prévus (apports personnels, éventuel prêt bancaire, local, équipements…)
- Les bénéficiaires ou clients potentiels et la stratégie envisagée (ex : types de clients visés, plan marketing, existence d’un site web vitrine, etc.)
- Le temps estimé qui sera consacré à cette activité secondaire et son organisation par rapport au temps de service dans l’armée
Plus la demande est argumentée et professionnelle, plus elle a de chances d’être acceptée. L’idée est de démontrer que le projet est sérieux, réfléchi et compatible avec les obligations militaires. Il ne faut pas hésiter à joindre tout document utile (business plan succinct, attestations de formation, etc.). Cette étape revient à expliquer pourquoi le militaire sera capable de mener cette double activité (militaire et auto-entrepreneur) sans nuire à son service principal.
Instruction de la demande et décision
Une fois le dossier envoyé, il est examiné en plusieurs phases. D’abord, la hiérarchie saisit la commission de déontologie des militaires compétente (une instance consultative) qui analysera la demande. La commission dispose d’un délai d’un mois pour rendre un avis sur la compatibilité du projet avec le statut militaire. Si la commission tarde au-delà d’un mois sans émettre d’avis, cela équivaut à un avis favorable pour être militaire et auto-entrepreneur par défaut (le silence vaut accord de la commission). Cet avis est ensuite transmis à l’autorité décisionnaire (le ministre des Armées, ou le ministre de l’Intérieur pour un gendarme), qui prend la décision finale.
Le ministre dispose en principe d’un délai d’un mois à compter de la réception du dossier complet pour notifier sa décision. Deux cas de figure peuvent alors se présenter :
- Décision explicite – Le ministre (ou son délégué) envoie une réponse écrite. Si c’est une autorisation, celle-ci précise éventuellement la durée pour laquelle le cumul d’activité est accordé. Si c’est un refus, le militaire devra renoncer à son projet tant qu’il est en service actif.
- Silence gardé pendant 2 mois – Si aucune réponse écrite n’est communiquée dans les deux mois suivant la demande (ou trois mois en cas de demande de complément de dossier), l’autorisation est considérée comme accordée implicitement. Autrement dit, l’absence de refus vaut feu vert pour exercer l’activité accessoire. (Notons que dans la fonction publique en général, le principe « silence vaut accord » s’applique désormais aux demandes de cumul d’activité militaire et auto-entrepreneur, traduisant une volonté d’assouplissement.)
Une fois l’agrément obtenu (explicitement ou tacitement), le militaire peut alors légalement créer son auto-entreprise et débuter son activité secondaire. Il doit bien sûr respecter les limites fixées dans l’autorisation (domaine d’activité, durée du cumul si elle est mentionnée, etc.). En outre, toute évolution substantielle de l’activité (changement de nature, de volume, de rémunération…) nécessite d’en informer à nouveau l’autorité militaire et de solliciter une nouvelle autorisation le cas échéant. De même, s’il met fin à son activité d’auto-entrepreneur, le militaire et auto-entrepreneur doit en avertir sa hiérarchie dans le mois suivant. Enfin, l’autorisation peut à tout moment être retirée si l’intérêt du service le justifie ou si l’activité déborde le cadre autorisé (par exemple, si le « petit projet » prend une ampleur incompatible avec le statut militaire).
Congé pour création d’entreprise : se lancer à plein temps en fin de carrière
Obtenir l’autorisation de cumuler les statuts de militaire et auto-entrepreneur n’implique pas forcément de mener de front deux activités à plein temps. En pratique, beaucoup de militaires en fin de carrière choisissent de solliciter un congé pour création ou reprise d’entreprise afin de se consacrer davantage à leur projet entrepreneurial. Ce dispositif, prévu par l’article L.4139-5-1 du Code de la défense, est une exception majeure au principe d’interdiction d’activité lucrative. Voici ce qu’il faut en retenir :
Conditions et durée du congé.
Le congé pour création d’entreprise est accordé sur demande au militaire justifiant d’au moins 8 ans de service (condition d’ancienneté identique à celle du cumul d’activité). La durée maximale est d’un an, renouvelable une fois. Concrètement, un militaire peut donc obtenir jusqu’à 2 ans de congé pour se consacrer entièrement à sa nouvelle entreprise. Cette période de congé est considérée comme du temps de service actif pour le calcul de la retraite et de l’avancement de carrière, ce qui évite de pénaliser le militaire dans ses droits.
Rémunération pendant le congé.
Durant le congé pour création d’entreprise, le militaire perçoit toujours une partie de sa solde. La première année, il continue de recevoir son traitement indiciaire complet (solde de base), ainsi que ses indemnités principales (indemnité de résidence, supplément familial, indemnité pour charges militaires). Si le congé est prolongé une deuxième année, sa rémunération est alors réduite de moitié pour cette période. Par exemple, pour un congé d’un an, le militaire garde 100 % de son salaire tant qu’il ne s’absente pas plus de 10 jours ouvrables par mois de son poste en cas de renouvellement une deuxième année, il touchera 50 % de sa solde. Ce maintien partiel de rémunération offre une sécurité financière pendant le lancement de l’entreprise.
Procédure et obligations.
La demande de congé se fait en parallèle de la demande d’agrément de cumul ou juste après l’obtention de celui-ci. Elle doit être adressée au moins 2 mois avant la date de début du congé souhaité. Le dossier est similaire (description du projet entrepreneurial) et suit le même circuit : avis de la commission de déontologie puis décision du ministre. En cas d’accord, le militaire passe en position de congé pour création d’entreprise à la date convenue. Il a alors l’obligation de se consacrer exclusivement à la création et à l’exploitation de son entreprise durant le congé. Des contrôles peuvent être effectués pour vérifier que l’intéressé utilise bien le congé à cette fin. Si le militaire ne crée pas ou n’exploite pas réellement l’entreprise pendant ce laps de temps, l’autorité peut mettre fin prématurément au congé et le rappeler à l’activité, ce qui entraînerait potentiellement sa radiation des cadres (fin de carrière) pour non-respect des conditions.
Fin du congé : reprise ou départ.
À l’issue du congé (au bout d’un an ou deux maximum), le militaire doit faire un choix. S’il souhaite rester dans l’armée, il peut réintégrer un poste correspondant à son grade (à condition d’en avoir informé l’administration 2 mois avant la fin du congé). En revanche, s’il décide de poursuivre son activité entrepreneuriale, il ne réintègre pas l’institution : il est alors radié des cadres de manière définitive. Ce départ est généralement anticipé puisqu’on parle ici de militaires en fin de carrière de toute façon. Le congé pour création d’entreprise se présente ainsi comme un « tremplin » vers la reconversion civile : il offre du temps et un revenu pour lancer sa micro-entreprise avant de quitter l’uniforme.

Reconversion : préparer l’après-armée et cumuler avec la pension militaire
Créer une micro-entreprise en fin de carrière militaire s’inscrit souvent dans un parcours plus large de reconversion professionnelle. Le ministère des Armées accompagne ses personnels dans cette transition via l’agence Défense Mobilité. Ce service institutionnel offre des conseils, des formations et un appui à la recherche d’emploi ou à la création d’entreprise pour les militaires en reconversion. Par exemple, un congé de reconversion de plusieurs mois peut être accordé (différent du congé pour création d’entreprise) pour suivre des formations professionnelles en vue d’intégrer le secteur civil.
De nombreux militaires choisissent la voie de l’entrepreneuriat pour valoriser les compétences acquises sous l’uniforme (leadership, gestion de projet, rigueur, etc.). Après avoir quitté l’armée, ils peuvent créer librement leur entreprise (micro-entreprise ou société) sans autorisation particulière, tout en bénéficiant de leur pension militaire le cas échéant. Il est tout à fait possible de cumuler une pension de retraite militaire avec les revenus d’une micro-entreprise, sous réserve de respecter les règles fiscales et de déclarer les revenus de l’activité indépendante. Ce cumul retraite/entreprise est encadré, mais autorisé ; il permet à d’anciens militaires de se lancer en affaire tout en conservant la sécurité financière de la pension.
Enfin, pour ceux qui souhaitent entreprendre pendant ou après leur service, il existe des structures d’accompagnement spécialisées. Par exemple Annolis propose un accompagnement dédié aux militaires créateurs d’entreprise (choix du statut, formalités de création, ouverture d’un compte professionnel, etc.). Faire appel à ce type de partenaire privé peut simplifier les démarches administratives et bancaires, en complément de l’aide fournie par l’institution militaire. L’important est de bien s’informer sur les dispositifs existants (aides financières comme l’ACRE, formations, mentorat) pour réussir sa reconversion dans les meilleures conditions.
Conclusion
En résumé, être militaire et auto-entrepreneur à la fois est devenu envisageable grâce à l’assouplissement des règles en faveur de la reconversion des militaires. Ce cumul reste strictement encadré : il concerne essentiellement la fin de carrière, exige une autorisation préalable et se limite à des activités compatibles avec le devoir militaire. Les démarches administratives – demande d’agrément, éventuel congé pour création d’entreprise – sont indispensables pour mener ce projet en toute légalité. Pour les militaires en activité qui rêvent d’entrepreneuriat, il est donc crucial de planifier à l’avance, de respecter les conditions fixées par le statut général des militaires et de s’appuyer sur les outils de reconversion mis à disposition. Avec une préparation sérieuse et le soutien de la hiérarchie, le cumul de statuts militaire et auto-entrepreneur peut se faire en douceur, ouvrant la voie à une nouvelle vie professionnelle riche de sens.